Cette affirmation est vraie d'un point de vue mathématique si on suppose que les fonctions qui associent à chaque point sur la Terre sa température et sa pression sont continues. Ceci se traduit mathématiquement par l'énoncé suivant, où on note $\mathrm{S}^2$ la sphère.

Théorème

— de Borsuk-Ulam
Texte

Pour toute fonction continue $ f : \mathrm{S}^2 \rightarrow \mathbb{R}^2$, il existe $x\in\mathrm{S}^2$ tel que $f(x)=f(-x)$.

Ce théorème est valable en toute dimension en remplaçant $\mathrm{S}^2$ par $\mathrm{S}^n$, la sphère de dimension $n$, et $\mathbb{R}^2$ par $\mathbb{R}^n$.

Ici $\mathbb{R}^n$ dénote l'espace Euclidien de dimension $n$ avec sa norme standard, notée $\|\ \|$. De façon explicite, si on écrit un point $x\in \mathbb{R}^n$ en coordonnées, $x=(x_1,\ldots,x_n)$, on a $\|x\|^2=x_1^2+\ldots+x_n^2$. On peut alors définir la sphère de dimension $n$ comme le sous-ensemble de $\mathbb{R}^{n+1}$ formé par tous les points de norme égale à $1$,

\[\mathrm{S}^n=\{x\in\mathbb{R}^{n+1}\ |\ \|x\|=1\}.\]

Pour la dimension $1$ la preuve est assez facile et découle du théorème des valeurs intermédiaires

Le raisonnement se déroule de la façon suivante : prenons une fonction continue $f:\mathrm{S}^1\rightarrow \mathbb{R}$, $S^1$ étant le cercle unitaire que l'on voit dans $\mathbb{C}$. On peut définir une fonction continue $g:\mathrm{S}^1\rightarrow \mathbb{R}$ par $g(x)=f(x)-f(-x)$, notons que $g(-x)=-g(x)$.

Prenons un point $x\in\mathrm{S}^1$, alors ou bien $g(x)=0$ et la preuve est terminée, ou bien $g(x)\ne 0$. Si $g(x)\ne 0$, en composant $g$ avec la fonction exponentielle on a une fonction $h : \mathbb{R}\rightarrow\mathbb{R}$, $h(t)=g(e^{it})$, telle que $h(t+\pi)=g(e^{i(t+\pi)})=g(-e^{it})=-g(e^{it})=-h(t)$. Par le théorème des valeurs intermédiaires, étant $h(t)$ et $h(t+\pi)$ de signes opposés, on sait qu'il existe un point $t_0$ entre $t$ et $t+\pi$ tel que $h(t_0)=0$. Ce qui nous donne un point $y=e^{it_0}\in\mathrm{S}^1$ tel que $g(y)=0$. Ceci met fin à la preuve du théorème en dimension $1$.

En dimension supérieure, on pourrait commencer la preuve en supposant par l'absurde qu'il existe une fonction $f : \mathrm{S}^n\rightarrow \mathbb{R}^n$ qui n'admet pas de point $x\in\mathrm{S}^n$ tel que $f(x)=f(-x)$. On peut alors définir une autre fonction

\begin{align*}
\widetilde{g}:\quad & \mathrm{S}^n\longrightarrow\mathrm{S}^{n-1} \\
x & \mapsto \frac{f(x)-f(-x)}{\|f(x)-f(-x)\|}.
\end{align*}

Cette fonction est impaire, c'est-à-dire $\widetilde{g}(-x)=-\widetilde{g}(x)$. La contradiction vient du fait qu'il n'existe pas de fonction continue impaire de $\mathrm{S}^n$ vers $\mathrm{S}^{n-1}.$ $\square$

L'argument que l'on a donné plus haut peut être vu comme une preuve de ce fait pour $n=1$. Cependant, pour $n>1$ il n'y a pas d'équivalent du théorème des valeurs intermédiaires. Il va falloir introduire d'autres outils.

La preuve originelle a été donnée par le mathématicien polonais Karol Borsuk dans un article de 1933 où il attribue la formulation du théorème au mathématicien et physicien nucléaire Stanislaw Ulam. Sa preuve utilise le concept de degré d'une fonction entre deux espaces compacts.

Pour donner une notion intuitive du concept de degré imaginons une fonction continue $f: \mathrm{S}^1\rightarrow \mathrm{S}^1$. On peut montrer que cette fonction peut être déformée vers une unique fonction de la forme $\mathrm{S}^1\rightarrow \mathrm{S}^1$, $z\mapsto z^n$ avec $n\in\mathbb{Z}$.

L'entier $n$ est le degré de $f$. Intuitivement, c'est le nombre de fois qu'on a enroulé l'image de $f$ sur $\mathrm{S}^1$.

Pour une explication plus générale on pourra lire Algebraic Topology de Hatcher1 dont on trouve une version en ligne ici.

Ce concept de degré est fondamental au sein de la branche des mathématiques qu'on appelle aujourd'hui topologie algébrique. Ce champ des mathématiques a vu le jour avec un article publié en 1895 par Henri Poincaré intitulé « Analysis Situs ». Dans cet article Poincaré introduit une nouvelle approche de l'étude de la topologie. C'est toutefois avec L. E. J. Brouwer, mathématicien hollandais, que les premières méthodes, telles que le concept de degré d'une fonction et l'approximation simpliciale d'une variété, et une fondation rigoureuse sont conçues vers 1911.

Depuis, de nombreuses démonstrations du théorème de Borsuk-Ulam ont été réalisées, en utilisant des concepts plus avancés de topologie algébrique ou avec des méthodes combinatoires.

Ce théorème peut être considéré comme étant l'un des théorèmes centraux de la topologie algébrique. On peut déduire comme corollaires de nombreux autres théorèmes, par exemple les deux théorèmes qui suivent.

On note $\mathrm{B}^n$ la boule fermée de rayon $1$ dans $\mathbb{R}^n$.

Théorème

— Point fixe de Brouwer
Texte

Pour toute fonction continue $f:\mathrm{B}^n \rightarrow \mathrm{B}^n$, il existe $x\in\mathrm{B}^n$ tel que $f(x)=x$.

Théorème

— Du sandwich au jambon
Texte

Étant donné $n$ ensembles compacts de $\mathbb{R}^n$, il existe au moins un hyperplan affine divisant chaque ensemble en deux sous-ensembles de mesures égale

Comme on le déduit aussi à partir des noms de ces théorèmes1, on peut donner une interprétation amusante de ces derniers en dimension $3$.