Il est grand temps de ne plus craindre le difféomorphisme caché dans la formule du changement de variable intégral !
Le changement de variable est aux intégrales ce que la réindexation, le groupement ou le dédoublement de termes peuvent être aux sommes discrètes. Mais l'outil débouche sur une formule assez technique, conséquence d'une démonstration si formelle, à l'appui d'hypothèses si rigides, qu'on oublie le sens de cette analogie. Toutefois, en revenant à des considérations géométriques simples, nous constaterons qu'il s'agit juste de quadriller différemment une surface donnée, soit en la parcourant autrement, soit en la soumettant à des déformations dites équivalentes, qui conservent les aires.
Soit donc à calculer l'intégrale \begin{equation} \int_{a}^b f(x)\mathrm{d}x \end{equation} selon la méthode, naguère au programme de Terminale 1 et toujours à celui des classes préparatoires 2, où l'intégrande $f$ dépend de la variable $x$ qui dépend à son tour d'une variable $u$. Ce dernier lien s'exprime théoriquement par la relation $x=\chi(u)$ où la fonction $\chi$ sera parée de toutes les qualités qui, au fil de l'eau, se révéleront utiles. En particulier, $\chi$ applique un certain segment $[\alpha,\beta]$ sur $[a,b]$ et s'y dérive à loisir. Par commodité, et malgré la confusion que cela créerait, on identifie volontiers $\chi$ à ses valeurs. Ainsi trouvera-t-on usuellement \begin{equation} x = \chi(u)=x(u). \label{relation} \end{equation}
Une première approche
À mesure que $u$ balaye $[\alpha,\beta]$ au pas uniforme élémentaire $\mathrm{d}u$, $x$ progresse au pas, adaptatif lui, $\mathrm{d}x = \tfrac{\mathrm{d}x}{\mathrm{d}u}\mathrm{d}u$. Cette subdivision découpe des lamelles quasi rectangulaires, contigües, de largeur infinitésimale $\tfrac{\mathrm{d}x}{\mathrm{d}u}\mathrm{d}u$ et de hauteur $f(x(u))$. Leur cumul reforme l'aire désirée, si bien que \begin{equation} \int_{a}^b f(x)\mathrm{d}x = \int_{\alpha}^\beta f(x(u))\tfrac{\mathrm{d}x}{\mathrm{d}u}\mathrm{d}u. \label{eq} \end{equation} Il importe que $a$ et $b$ demeurent les extrémités du chemin que parcourt $x$ – à savoir que $x(\alpha)=a$ et $x(\beta)=b$, ce qui implique la surjectivité de $\chi$. Cependant, $x$ pourrait aller et venir, voire déborder du segment $[a,b]$. L'orientation de l'axe des abscisses assure que les portions d'aires, algébriques et redondantes, parcourues dans un sens puis à revers, se compensent.
Une deuxième approche
Voici une deuxième interprétation de la formule (\ref{eq}), valable à condition que la relation (\ref{relation}) soit réversible, c'est-à-dire que $\chi$ soit injective et donc bijective. La dépendance de $u$ à $x$ se note alors $u = \mu(x)$ ou, abusivement mais plus communément \begin{equation} u = \mu(x)=u(x). \end{equation} Traçons conjointement $x \mapsto f(x)$ et $u \mapsto f(x(u))$. Avancer $x$ de $\mathrm{d}x $ délimite une lamelle de hauteur $f(x)$ et de largeur infinitésimale $\mathrm{d}x $, adossée à la première courbe. Sur l'autre en regard, lui correspond la bande de même hauteur $f(x(u))$ mais de largeur $\tfrac{\mathrm{d}u}{\mathrm{d}x}\mathrm{d}x$. Malléable, la première surface a été dilatée (ou contractée) horizontalement du facteur $\tfrac{\mathrm{d}u}{\mathrm{d}x}$. On en gomme l'effet sur l'aire en distordant la seconde verticalement du coefficient inverse. En opérant ainsi localement et tout du long, il vient \begin{equation} \int_{a}^b f(x)\mathrm{d}x = \int_{\alpha}^\beta f(x(u))\tfrac{1}{\tfrac{\mathrm{d}u}{\mathrm{d}x}}\label{eq2}\mathrm{d}u. \end{equation} Les graphes de $\chi$ et de $\mu$ se déduisent l'un de l'autre d'une symétrie par rapport à la première bissectrice. En se réfléchissant les pentes s'inversent : \[ \tfrac{\mathrm{d}x}{\mathrm{d}u}=\tfrac{1}{\tfrac{\mathrm{d}u}{\mathrm{d}x}} \] sous réserve de toutes les dérivabilités utiles. Le résultat du (\ref{eq2}) est bien conforme à (\ref{eq}).